Retour haut de page
Yoann Grumberg
CEO | Plus de publications

Le pouvoir de la désinfluence prend d'assaut les réseaux sociaux et se propage à une vitesse fulgurante, principalement sur TikTok. Des créateurs de contenu encouragent activement leurs abonnés à résister à l'achat de produits ou de services, allant ainsi à l'encontre même de l'objectif fondamental de l'influence en général. Ce phénomène émergent suscite une inquiétude grandissante parmi les marques qui en sont les principales cibles.

Le hashtag #desinfluencing est en plein essor et totalise près de 650 millions de vues sur TikTok. La désinfluence trouve son principal élan dans les revendications militantes et environnementales, mais elle s'étend également à la promotion globale de la décroissance et de la consommation responsable. Cette tendance s'oppose radicalement aux mises en avant fréquentes de nouveaux produits de maquillage ou de vêtements par les milliers d'influenceurs qui collaborent avec des marques de fast- fashion.

Le bad buzz d'une influenceuse qui fait sensation dans la tendance

 

Selon le média The Good Goods, l'influenceuse américaine Mikayla Nogueira, suivie par plus de 14 millions d'abonnés sur TikTok, serait indirectement responsable de l'explosion de cette nouvelle tendance. Tout est parti d'une publication dans laquelle elle fait la promotion d'un mascara tout en portant des faux-cils. Depuis lors, de nombreux créateurs ont emboîté le pas en "désinfluençant" leur communauté d'abonnés, et aucun type de produit n'a été épargné.

Bien que le maquillage domine encore les contenus associés à l’hashtag #deinfluencing, l'habillement et l'ameublement ne sont pas en reste. Le procédé est souvent le même : un créateur se met face à la caméra pour parler d'un produit ou d'une liste de produits, expliquant pourquoi ses abonnés n'en ont pas besoin. Les influenceurs parlent parfois de "flop" ou conseillent de faire des économies en évitant d'acheter ces produits.

Cependant, la désinfluence n'est pas une nouveauté. Depuis l'explosion des sites d'avis, il est désormais possible de critiquer des produits ou des services tels que l'hôtellerie ou la restauration (Avis Google, TripAdvisor, etc.). Mais contrairement à ces sites, où les marques ou les gérants peuvent répondre aux critiques, il est plus difficile pour un annonceur de contrer directement un hashtag sur les réseaux sociaux.

La désinfluence sur TikTok

Une tendance anti-consumérisme ? Pas toujours...

 

À première vue, la désinfluence semble véhiculer des idéaux positifs tels que la réduction de la consommation, l'écologie et les économies. Cependant, si l'on creuse davantage, certains contenus critiquent un produit pour en promouvoir un autre, incitant finalement à choisir un achat spécifique plutôt qu'un autre, que ce soit en raison de son prix abordable, de ses avantages supposés ou de son caractère écologique. Un exemple frappant en est donné par la tiktokeuse @nastblog, qui critique des accessoires de maquillage tout en faisant la promotion de ses propres coups de cœur. Une telle approche rappelle l'influence traditionnelle, en évinçant l'un des messages clés de la désinfluence : "consommer moins".

Lorsqu'un créateur de contenu critique un produit, il est difficile pour lui de laisser ses abonnés sans solution. Il se sent donc obligé de proposer une alternative qu'il juge crédible. C'est exactement ce qu'a fait EnjoyPhoenix, l'une des influenceuses françaises les plus en vue, en passant de vidéos dans lesquelles elle présentait des produits de la marque chinoise Shein à une promotion de vêtements de seconde main, encourager une approche plus durable.

Exemple d'une influenceuse

La désinfluence : un défi pour les marques ?

 

La réponse est sans équivoque : oui. Lorsqu'un créateur de contenu, suivi par une audience de 100 000 à 1 million d'abonnés, publie un contenu dénigrant les produits d'une marque, la réputation de cette dernière peut en souffrir considérablement. En France, les bad buzz des annonceurs peuvent se propager rapidement, mettant en péril une réputation en seulement quelques heures. Avec la montée en puissance de la désinfluence, les internautes reprennent le contrôle face aux marques. Dans ce contexte, les marques vont-elles continuer à prendre le risque de collaborer avec des créateurs de contenu ? C'est une question qui se pose légitimement.

Nous sommes convaincus que les marques peuvent toujours trouver un intérêt à collaborer avec des influenceurs. Cependant, elles doivent être en mesure de détecter les premiers signes d'un possible bad buzz, lorsque les réactions négatives se multiplient ou lorsque des créateurs publient du contenu critique sur leurs produits. Choisir soigneusement ses influenceurs (éviter les serial influenceurs qui publient des contenus de collaboration à tout va), surveiller les réseaux sociaux grâce à une écoute sociale (social listening) et promouvoir des produits déjà réputés, avec de bonnes preuves et caractéristiques, sont des ingrédients essentiels pour mener à bien une campagne d'influence.

Un autre danger réside également dans la concurrence. Est-ce qu'une marque pourrait demander à un influenceur de critiquer un produit concurrent ? Dans un marché de l'influence encore peu réglementé en France, et où le dénigrement entre concurrents est illégal, l'utilisation d'un créateur de contenu à cette fin serait-elle condamnable ? Cela soulève des questions pour les futurs textes de loi visant à protéger les marques contre certains abus.

La désinfluence, une combinaison de conseils pour réaliser des économies et d'engagement sociétal, deviendra-t-elle une nouvelle façon d'aborder les réseaux sociaux ?

Quoi qu'il en soit, entre l'inflation et la prise de conscience écologique, cette tendance ne semble pas prête de s'arrêter pour le moment.

Yoann Grumberg
CEO | Plus de publications

7 juillet 2023

M'alerter
des nouveaux articles
Loading